La qualité de l’eau potable en France doit être protégée et renforcée

Un collectif de 21 chercheurs du domaine de l’eau, dont Julie Mendret, maîtresse de conférences à l’université de Montpellier, interpellent les pouvoirs publics sur la nocivité
des PFAS, ces composants chimiques présents dans l’eau du robinet.

La présence de substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) dans l’eau du robinet en France, mise en lumière par les médias, est devenue un sujet très sensible. Depuis lors, nombreux sont ceux qui s’inquiètent des conséquences sur la santé de la consommation d’eau du robinet et s’interrogent sur les moyens d’éradiquer cette pollution.

Les PFAS sont un groupe de composés chimiques utilisés dans de nombreux produits de consommation, qui incluent les revêtements antiadhésifs, les textiles imperméables, les
emballages alimentaires. Ces substances sont faiblement biodégradables et ont une résistance thermique et chimique élevée, d’où le surnom qui leur a été donné de « polluants éternels ».

Stations d’épuration inadaptées

Tout d’abord, il nous semble important de rappeler que l’exposition aux PFAS provient en premier lieu de l’alimentation, et de la consommation de produits de la mer, de viande, de fruits et d’œufs : la quantité ingérée de cette façon est souvent supérieure à celle qui est consommée à travers l’eau du robinet.
Mais voyons comme les PFAS se retrouvent dans l’eau du robinet. Les effluents industriels et les mousses anti-incendie constituent les principales sources de contamination. Les eaux usées domestiques en contiennent également, mais dans une moindre mesure. Or les stations d’épuration qui reçoivent les effluents industriels ou les eaux usées
domestiques n’ont pas été conçues pour éliminer ces molécules. Une fois traitées dans ces stations, ces eaux sont rejetées dans le milieu naturel, entraînant les PFAS avec elles.
Les eaux souterraines et de surface, potentiellement
contaminées, sont utilisées pour alimenter les usines de
production d’eau potable. C’est donc l’usine de potabilisation
qui doit garantir l’élimination de ces molécules afin
d’atteindre les normes en vigueur pour l’eau destinée à la
consommation humaine. Actuellement, les procédés
classiquement utilisés dans ces usines ne permettent pas
l’élimination des PFAS, du fait de leur forte résistance
chimique.
Persistantes et faiblement décomposables naturellement, ces molécules s’accumulent dans l’environnement et peuvent atteindre des niveaux de concentration préoccupants dans les
ressources en eau. Les PFAS sont associées à plusieurs effets néfastes sur la santé humaine, notamment des problèmes de développement lors de la croissance, des troubles
hormonaux, des effets sur le système immunitaire et un risque accru de développer certains types de cancer.
L’exposition à long terme aux PFAS est donc une préoccupation majeure de santé publique. Le manque d’études épidémiologiques empêche de déterminer au-delà de quels niveaux de concentration il y a des conséquences sur la santé humaine. Du fait de ce flou, il est difficile pour les autorités d’établir des seuils réglementaires, et certains pays préconisent le principe de précaution « Alara » (As Low as Reasonably Achievable, « aussi bas que raisonnablement possible »).

Mesures coûteuses mais nécessaires

En Europe, la directive 2020/2184, qui concerne la qualité des eaux de consommation humaine, a été révisée. Vingt PFAS ont été ciblées, et leur concentration maximale cumulée dans les eaux destinées à la consommation a été fixée à 0,10 microgramme par litre. La directive a été transposée en droit français en décembre 2022, et les PFAS devront donc être intégrées dans les analyses sanitaires de l’eau de consommation d’ici à 2026, comme elles le sont, depuis le 1er janvier 2023, pour les ressources où leur présence a déjà
été identifiée.
Comment éliminer ces molécules dans le cadre de la production d’eau potable ? Certaines technologies sont d’ores et déjà opérationnelles, comme la filtration sur charbon actif
spécifique, qui semble la plus efficace pour ce type de pollution, ou encore l’utilisation de l’osmose inverse. Pour gérer cette nouvelle pollution, nos filières de production d’eau potable devront être améliorées, ce qui implique un coût financier important. L’actualité préoccupante amène une partie de la population à préférer l’eau en bouteille. Pourtant, le modèle de l’eau du robinet nous semble le seul soutenable. En effet, la consommation massive d’eau en bouteille plastique a des impacts environnementaux mais aussi sanitaires, du fait de la présence possible de plastifiants et de microplastiques dans ces eaux. Ce type de consommation d’eau peut être une solution temporaire acceptable durant le délai de mise en place de mesures curatives mais ne doit en aucun cas devenir la norme, car elle génère des émissions de C02, par la fabrication des bouteilles et leur transport.
Les mesures curatives pour l’élimination des PFAS étant très coûteuses, il est primordial de renforcer la protection des populations et de l’environnement face aux risques liés à ces composés en adoptant des mesures préventives. Les industries de fabrication des PFAS doivent impérativement mieux maîtriser leurs rejets dans l’environnement. La majorité des usages actuels de ces composants ne sont pas essentiels, et une adaptation rapide de ces filières est nécessaire pour restreindre leur utilisation.
Les outils réglementaires doivent évoluer rapidement pour protéger la qualité de l’eau potable en France, notamment en renforçant la surveillance des rejets aqueux des installations classées pour la protection de l’environnement, afin de minimiser l’exposition des citoyens. Enfin, il est urgent de ne pas compliquer à l’extrême la production d’eau potable en évitant la contamination des milieux en amont et donc en développant des substituts écologiques aux PFAS. Ces enjeux justifient à eux seuls de mettre en place un effort de recherche considérable à l’échelle nationale et européenne, pour trouver tant des substituts à ces molécules que des moyens de les traiter efficacement. Il est urgent également d’étudier leurs aspect toxicologiques, afin de déterminer au plus vite des valeurs sanitaires seuils réalistes et opérationnelles pour l’eau destinée à la consommation humaine.

Parmi les signataires : Roger Ben Aïin, professeur retraité de l’université de Toulouse ; Mathieu Gautier, maître de conférences à l’institut national des sciences appliquées de Lyon ; Julie Mendret, maîtresse de conférences à l’université de Montpellier. Retrouvez la liste complète des signataires sur Lemonde.fr

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