La tarification saisonnière de l’eau à Toulouse métropole
Aux élu.e.s du Conseil métropolitain,
Madame, monsieur,
Vous allez examiner aujourd’hui la délibération se rapportant à l’instauration d’une tarification saisonnière. Notre association a déjà exprimé son opposition à cette disposition, et notamment lors de la CCSPL du 14 mars avec, pour rappel, les arguments suivants :
–Absence de concertation démocratique sur le projet. Alors que l’objectif doit être de faire évoluer les pratiques liées à l’eau, qu’elles soient domestiques ou liées à des usages professionnels, cela nécessiterait d’associer largement citoyens et professionnels à la réflexion.
–Ce n’est pas seulement l’été qu’il faut économiser l’eau. C’est toute l’année que les nappes phréatiques se rechargent. Permettre à ce cycle naturel de retrouver un cours normal passe par la baisse de la consommation d’eau pour l’ensemble des activités humaines tout au long de l’année. Faire payer l’eau moins cher l’hiver, donne le message tout à fait contraire.
–Restreindre la consommation de l’eau en été devrait consister avant tout à en restreindre ou interdire certains usages, ceux qui sont disproportionnés au regard de la quantité disponible, ainsi que les usages moins utiles au regard de l’intérêt général.
–Faire payer l’eau plus cher en été, sans prendre en compte son utilisation, est une mesure socialement injuste. Depuis plusieurs années EAU SECOURS 31 demande à T-M d’établir des statistiques sur les consommations suivant les usages. Ainsi pourrait être mise en place en toute connaissance de cause une tarification spécifique selon ces catégories d’usagers: usagers domestiques, commerces, industrie, grandes administrations.
Le diaporama qui va certainement vous être présenté, et qui nous a été présenté à la CCSPL, est destiné à vous convaincre de la validité de la tarification saisonnière. Nous ne sommes pas en désaccord avec toute une série d’axes visant à réaliser des économies d’eau (dans la partie 3). Mais le coeur du projet ne nous convainc toujours pas.
Passons sur l’absurdité de la diapo (4) où on lit : «Toute goutte d’eau non nécessaire à la Garonne qui se retrouve dans l’Océan est une goutte d’eau perdue». Absurde car la Garonne a bien besoin de beaucoup de gouttes d’eau pour le maintien de sa biodiversité, pour diluer toutes les pollutions résiduelles de toutes les stations d’épurations qu’elle croise sur sa route, pour refroidir la centrale de Golfech, pour garder un équilibre (de salinité) dans son estuaire, sans parler de l’Océan lui même qui en a un grand besoin. Rendre l’eau aux sols. Pour « stocker l’eau » la priorité absolue est aujourd’hui de redonner à la nature sa capacité à la capter dans les sols. Priorité donc à la désimperméabilisation des sols tant en milieu urbain qu’agricole.
Avant tout, notons que la présentation des conséquences de la tarification saisonnière est quelque peu biaisée. (diapos 37 et 38). En effet :
Il est totalement illusoire de penser que le tarif d’été poussera aux économies d’eau pour des foyers avec jardin et piscine qui manifestement disposent de moyens financiers permettant d’éponger sans problème un supplément de 83€.
Par contre, il est assez méprisant de noter que le surplus de douches en été ne coûterait que 6€ de plus par an. Faire valoir des augmentations qui « ne sont que de quelques euros pas an », pour la baguette de pain, pour tel transport, tel médicament ou fourniture scolaire etc, est particulièrement indécent vis-à-vis des personnes à faibles revenus.
N’est ce pas en premier lieu les familles, avec enfants, qui ne partent pas en vacances qui seront pénalisées ? Nous sommes d’ailleurs loin de ce qui est dit de manière erronée « les foyers qui ont des moyens payent pour ceux qui sont en appartement ». En effet, dans la proposition qui est faite tout le monde paiera plus cher en été, y compris pour l’eau « vitale », y compris « ceux qui sont en appartement « .
Enfin, une remarque importante : A aucun moment dans le diaporama il n’est fait mention des effets de la tarification saisonnière sur les usages autres que domestiques. Et pour cause, nous sommes toujours en demande de statistiques sur les autres usages : commerces, industrie, collectivités, administrations, hôpitaux. Une tarification fortement progressive aurait certainement un effet contre les gaspillages.
Quels sont donc les objectifs de sobriété que Toulouse Métropole se fixe ?
Sur le tarification solidaire et progressive
Le diaporama consacre 10 diapos à critiquer la proposition de tarification progressive (le quart des diapos !), avec des arguments qui ne nous convainquent pas.
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Par exemple (diapo 24) il est noté que : selon l’avis du CESE, «les conditions d’une généralisation de la tarification progressive à l’ensemble de autorités organisatrices des services d’eau ne sont pas réunies». Le CESE parle bien du problème de sa « généralisation » et l’une des principales raisons avancées est la question technique liée surtout à la taille des communes (Le CESE rappelle que 54% des communes ont moins de 1000 habitants). Nous sommes très loin de rentrer dans cette catégorie. Cela n’invalide en rien la possibilité de le faire. Il est donc abusif de prétendre que le CESE aurait une opposition de principe à la tarification progressive.
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Notre l’attention est attirée (diapos 25 et 26) -et avec raison- sur les risques d’injustice sociale dans les habitats collectifs. Mais nous pensons que la fixation d’un premier tarif fixé au delà des x premiers m3 gratuits, fixé à un niveau relativement élevé de consommation (par exemple 180M3 par an), associée çà de véritable mesures d’aide sociale et une campagne de pose de compteurs individuels (préconisation 3 du CESE), devrait permettre à la quasi totalité des ménages en habitat collectif de ne subir aucune injustice.
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Les principes de la tarification solidaire et progressive sont trompeusement présentés dans la diapo 31. Tout d’abord il est indiqué un chiffre de 24 M3 gratuits ; c’est beaucoup plus que ce qui est actuellement pratiqué dans les grandes agglomérations en France (10M3à Rennes, 15M3 à Montpellier, 12M 3 à Lyon …)
Ensuite, le principe de la tarification progressive est bien que l’eau devienne plus chère dans les tranches supérieures, par exemple après 180 m3, et progressivement de plus en plus chère.
Ainsi, ce sont ceux qui consomment plus qui compensent la prise en charge d’une eau accessible pour tous. (premiers m3 gratuit et eau peu chère dans la première tranche).
Mais dans la tarification progressive, ce ne sont pas « ceux qui ont les moyens qui payent pour les autres » , c’est « l’eau vitale et nécessaire » qui est moins chère pour tous, et plus chère pour l’eau dite de confort et pour l’industrie et le commerce.
(NB : nous aurions également aimé connaître combien de foyers avaient été aidés pour le paiement de l’eau par le FSL, car la diapo 41 avance le chiffre de 2695, mais il s’agit de toutes aides énergies/fluides confondues (électricité, gaz eau ) ,
Parlons des contrats avec SETOM/VEOLIA et ASTEO/ SUEZ
Si la délibération est adoptée, elle prendra effet au 1° juin 2024, et donc commencera par une période de tarif majoré, c’est à dire que même les abonnés qui ont une consommation « lissée sur l’année » paieront nettement plus en 2024. Cela représentera une dépense supplémentaire pour les abonnés pour 2024 mais une recette supplémentaire, pour TM et les délégataires exceptionnelle mais significative de plusieurs millions d’euros (environ 14M€ à consommation équivalente à 2023) . Ces recettes serviront, a-t-on compris, à « absorber » les baisses de consommations à venir.
De plus « Toulouse Métropole s’engage auprès du délégataire à compenser les baisses de volumes à condition qu’elles soient directement imputables à la tarification saisonnière. La base de référence des volumes pris en compte sont les volumes facturés en 2023 qui sont les volumes les plus bas connus. »
Toulouse Métropole s’engage donc à compenser toute baisse de consommation.
(on notera que, si la consommation augmentait, rien serait dû par les délégataires à la Métropole)
Veolia et Suez n’auront ils pas réussi ainsi à faire prendre en charge par TM – jusqu’en 2032- les baisses de consommation des 3 prochaines années, devenues inéluctables face au réchauffement climatique ? Que devient la notion « de risques et périls» -rappelée dans le projet d’avenant- qui pourtant a justifié de faire appel à des entreprises privées , s’engageant fermement sur un prix, dans le cadre d’une DSP ?