Veille juridique et médiatique des mois d’octobre et novembre 2024

1-Sur le transfert ou non des compétences eau et assainissement  à l’intercommunalité :

La proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement » a été votée par le Sénat le 17 octobre. Elle a été transmis à l’AN le 18 octobre.

Son article 1er dispose de la suppression de l’obligation de transfert des compétences des communes vers les communautés de communes, qui devait intervenir au 1er  janvier 2026.

Les communes ayant déjà transféré, ne peuvent revenir en arrière. Il n’y a pas de réversibilité.

Mais il est laissé la liberté aux communes n’ayant pas encore procédé à ce transfert, de ne pas le faire.

 Il est toujours possible de le déléguer à des syndicats supracommunaux, mais ce n’est pas obligatoire. Elles  pourront librement confier, en tout ou partie, les compétences « eau » et « assainissement » à un syndicat ou à leur communauté de communes, ou continuer à les exercer seules. 

L’article 4 supprime la condition selon laquelle l’EPCI ou le syndicat mixte devrait être expressément autorisé par ses statuts à confier au département un tel mandat de maîtrise d’ouvrage.

Néanmoins, la proposition de loi doit encore être votée par le Parlement.

Sur le jugement du 21 octobre 2024 rendu par le Tribunal administratif de Poitiers :

Irrigation : apport officiel d’eau douce sur des terres à des fins agricoles

Rappel de la procédure antérieure :

-autorisation de prélèvement pluriannuel de prélèvement d’eau pour l’irrigation, à un organisme unique de gestion collective prévu par l’article R.211-112 du code de l’environnement.

-celui prévu pour les bassins versants du Maras poitevin a fait l’objet d’une annulation le 9 mai 2019 par le Tribunal de Poitiers

-Ce jugement a été confirmé par la cour administrative d’appel de Bordeaux le 15 juin 2021

Dans ces arrêts, il a été considéré l’excessivité des volumes autorisés. De plus, le création de réserves de substitution, autrement appelés mégas bassines », augmentaient considérablement les prélèvements annuels. Or, les nouveaux prélèvements hivernaux servant au remplissage de ces réserves doivent normalement être compensés par une diminution des prélèvements estivaux.

Affaire en cause :

-La nouvelle autorisation pluriannuelle a été délivré par le préfet, mais elle comportait les mêmes problèmes que la précédentes. L’association Nature environnement 17 a alors attaqué cet arrêté

-Le jugement du 9 juillet 2024 du TA de Poitiers a annulé une autorisation de prélèvement à usage d’irrigation dans les bassins versants du Marais poitevin. Le TA a quand même accordé une autorisation de prélèvement provisoire.

-Trois tierces oppositions ont été formulées. Les requérants invoquaient la satisfaction de l’intérêt général, en ce que le  « projet vise à répondre aux impératifs de sécurité hydrique du Marais poitevin en assurant une gestion raisonnée et durable des ressources en eau, particulièrement en période de stress hydrique », et en ce qu’il respecterait l’article L211-1 du Code de l’environnement ; en conciliant valorisation économique de l’eau et préservation des écosystèmes. Cet article est relatif au régime général et gestion de la ressource de l’eau, prenant en compte les nécessaires adaptations au changement climatique

-Par un jugement du 21 octobre 2024, le TA n’a pas admis la recevabilité de ses tierces oppositions, au regard que son jugement du 9 juillet 2024 ne leur portait pas directement préjudice, ou que leurs intérêts avaient déjà été représentés.

-Le TA rappelle qu’il est toujours possible aux requérants de faire appel de ce jugement.

2-Condamnation définitive des exploitants agricoles suites aux trois ordonnances rendus par le tribunal judiciaire de Valence le 14 octobre 2024.

Dans cette affaire, les associations Générations Futures et FNE Auvergne s’étaient constitués partie civile pour attaquer trois exploitations agricoles, au motif qu’elles ne respectaient pas les zones de non-traitement près de cours d’eau. En effet, ils répandaient de l’herbicide de synthèse, contenant du glyphosate, à moins de 5 mètres de cours d’eau. Ces pratiques délictueuses avaient été révélés par l’OFB.

Ces trois exploitants agricoles ont été condamnés à des peines d’amendes.

3-Le colloque sur l’eau dans le Tarn

Suite au livre blanc de 2022 concernant les enjeux de l’eau dans le département du Tarn, notamment face à la sécheresse, un colloque a regroupé les principaux acteurs de la gestion de l’eau, pour la suite des travaux.

Il a réuni les services de l’Etat, représenté par le secrétaire général de la préfecture, Sébastien Simoens, des représentants du monde agricoles, et l’Agence Adour-Garonne.

Dans les propositions, nous retrouvons la gestion de l’eau par l’intercommunalité ; le financement d’études sur 17 possibles retenues d’eau pour l’agriculture ;

4-L’assèchement du lac de Cavayère à Carcassone :

Le lac de la Cavayère, géré par Carcassone Agglo, connaît une baisse de 2,60 mètres de son niveau normal d’eau. Il abrite notamment la base de loisirs « Carcassone Plage », ainsi que de la biodiversité

Cette situation est notamment due à l’ouverture d’une vanne de réserve située en bas du barrage. L’eau passant par la vanne se déverserait dans le sol, au lieu d’alimenter le ruisseau Balazac qui se jette dans le lac de la Cavayère. 10 litres d’eau par seconde s’échapperait, soit 315 millions de litres d’eau par an (126 piscines olympiques).

Alerte des services de l’Etat et à l’agglomération par la municipalité. Pétition sur Change.org invoquant notamment l’article R211-66 du Code de l’environnement disposant dans son 2nd alinéa à propos des mesures prises pour faire face à la sécheresse, inondations, accidents ou risque de pénurie : « Ces mesures, proportionnées au but recherché, ne peuvent être prescrites que pour une période limitée, éventuellement renouvelable. Dès lors que les conditions d’écoulement ou d’approvisionnement en eau redeviennent normales, il est mis fin, s’il y a lieu graduellement, aux mesures prescrites.

En raison de son assèchement, l’avenir du lac inquiète. Les commerçants du site ont créé une association, que la mairie a reçue en mairie ce lundi après-midi. Selon eux, les textes de lois ont été mal interprétés, car la biodiversité aurait été la justification de l’ouverture de cette vanne.

5-La présence de TFA, polluant éternel, dans l’eau potable

Faute à l’acide trifluoroacétique (TFA), qui contamine les ressources hydriques en France et en Europe. Issu de la dégradation d’un pesticide, le flufénacet, principalement utilisé pour les cultures de blé et d’orge.

Le 27 septembre, l’Autorité européenne de sécurité des aliments l’a classé « perturbateur endoctrinien », c’est-à-dire une substance, qui altère les fonctions du système endocrinien et qui peut causer un effet délétère sur la santé d’un individu, de sa descendance ou de certaines sous-populations.

Dans ce sens, l’Anses a classé le TFA comme un métabolite potentiellement dangereux pour l’eau potable.

L’article R1321-31 du Code de la santé publique est relatif aux possibles dérogations pouvant être demandées suite à la constatation du non-respect des limites ou des références de la qualité de l’eau, ainsi que l’inefficacité des mesures correctives qui lui ont fait suite.

Il ressort de cet article, que la personne responsable de la distribution de l’eau peut déposer une demande de dérogation aux limites de qualité, auprès du préfet ; si (ici, focus sur le cas en l’espèce)
« 2° Une nouvelle source de pollution est détectée dans la zone de captage utilisée pour la production de l’eau destinée à la consommation humaine, ou des paramètres chimiques ont fait l’objet d’une recherche récente ou d’une détection récente »

Mais cette dérogation ne peut être acceptée qu’après un rapport du directeur général de l’ARS, démontrant notamment l’absence de risque pour la santé des personnes ; l’inexistence d’autres moyens raisonnables de distribution de l’eau ; un plan d’action concernant les mesures correctives.

Surtout, cette dérogation est « aussi limitée dans le temps que possible et ne peut excéder trois ans ».

Selon l’article 1321-33, cette dérogation peut faire l’objet d’un prolongement, selon certaines conditions, mais seulement pour une nouvelle durée de trois ans.

Donc, au terme de six années, la qualité de l’eau doit être redevenue conforme pour pouvoir être distribuée.

Selon des prélèvements d’eau potable du réseau Pesticide Action Network, la limite de conformité de l’eau était dépassé dans ¾ des échantillons français.

De plus, il en est de même pour l’eau en bouteille, qui ne peut faire l’objet de la demande en dérogation précité, selon ‘l’article 1321-31 du CSP.

Aujourd’hui, l’ANSES n’a toujours pas été saisi d’une demande d’évaluation du TFA, par les ministères français, qui se disputent sa compétence.

Concernant l’UE, le réseau Pesticide Action Network, ainsi que 48 autres organisations environnementales ont demandé à la Commission d’interdire le TFA. La Commission a mandaté l’OMS.

Néanmoins, cette substance n’est pas comprise dans la liste des pesticides recherchés dans l’eau potable. Or, les systèmes actuels de traitements de l’eau ne peuvent l’éliminer. Selon l’institut néerlandais de la santé publique et de l’environnement, ce TFA pourrait être aussi toxique que les autres PFAS, et pourrait notamment avoir des répercussions sur le foie.

6-Sur le budget « recettes » de 2025 :

Rejet du budget recettes à l’AN ce mardi après-midi. Ce budget avait été remaniée par la gauche, qui avait notamment supprimé le prélèvement de 130 millions d’euros sur la trésorie des agences de l’eau.

De plus, il est demandé un grand effort aux collectivités locales quant à leurs dépenses, ce qui pourrait impacter la mise en œuvre du Plan « eau » (plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau)

Mais, ce budget remanié, ayant été rejeté par l’Assemblée Nationale, la version initiale du budget, proposé par le gouvernement est transmis au Sénat.

7-L’investissement du Grand Narbonne dans les travaux de sécurisation de l’eau potable

Les travaux prévus ont pour but de garantir la performance et la pérennité de la gestion du cycle de l’eau, d’économiser la ressource en eau et de protéger les milieux naturels. Ce chantier veut notamment permettre la réduction des fuites d’eau des canalisations.

8Le plan des inspections ministérielles pour sortir les pesticides de l’eau potable

Publication d’une mission interministérielle, daté de juin, et resté confidentiel, par Contexte.

Le ministère de la Santé, de l’Agriculture et de la Transition écologique ont reconnu que la préservation de la qualité des ressources en eau est « en échec ».

Entre 1980 et aujourd’hui, 12 500 captages d’eau potable ont été fermés, suite à des pollutions provenant du milieu agricole.

Le rapport ministériel évoque alors le principe pollueur-payeur pouvant justifier l’augmentation d’une contribution du secteur agricole, par exemple, l’augmentation d’une redevance pour pollution diffuse qui serait prélevé sur les ventes de produits phytos, et reversé aux agences de l’eau. Mais, cette idée n’est pas prévue par dans le budget 2025.

Néanmoins, le 6 novembre dernier, le Conseil de l’UE a adopté la révision de la directive relative aux traitements des eaux usées. Elle impose aux Etats la mise en place d’une contribution financé par la responsabilité élargie des producteurs des industries cosmétiques et pharmaceutiques. Également, elle enjoint la Commission européen d’évaluer l’opportunité d’un même mécanisme concernant les PFAS et microplastiques.

Le rapport se penche aussi sur la nécessaire réduction de l’utilisation d’intrant, c’est-à-dire les produits utilisés dans l’agriculture pour améliorer le rendement, via des financement de la PAC et des agences de l’eau.

Concernant la protection des points de captage dits « sensibles », c’est-à-dire proche des limites de qualités pour les pesticides et leurs métabolités, la directive eau potable de 2020 impose à l’Etat de définir dans un arrêté l’ensemble de ces points. Or, cela n’a pas encore été fait. Le rapport recommande la mise en place de « zone soumise à contraintes environnementales » corrélé à un programme d’actions définissant des objectifs, sur toutes les aires de captage sensibles.

Mais aujourd’hui, , il est impossible de « compenser des coûts engendrés par la mise en place de mesures rendues obligatoires, ce qui bloque la mise en œuvre de ZSCE et leur ambition ». De plus, aucun progrès n’a été réalisé concernant la protection de ces points de captage.

La ministre de l’Ecologie souhaite renforcer cette protection des points de captage, à l’occasion de la grande conférence nationale sur l’eau de mi-décembre, annoncée par le Premier Ministre.

En somme, selon Reporterre, ce rapport interministériel démontre l’échec du gouvernement en matière de traitement des pesticides dans l’eau.

9-Loi anti-PFAS porté par Nicoles Therry face à l’AN

L’adoption de la loi anti-PFAS est fortement compromise à l’occasion de son vote définif à l’Assemblée Nationale.

Nicolas Therry souhaitait que cette discussion ait lieu avant la fin de l’année. Mais ce n’était pas le projet du gouvernement, qui ne l’a pas encore placé dans l’agenda.

Saisine de la Cour de justice européenne par la Commission européenne au sujet du non-respect des règles de collecte et de traitement des eaux usées par la Bulgarie et la Roumanie:

La Commission a formé deux recours en manquement contre la Bulgarie et la Roumanie, sur le fondement de la directive sur les eaux urbaines résiduaires, et des eaux usées provenant de certains secteurs industriels, de 1991. Selon son article 1er, elle a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires précitées.

De nombreuses agglomérations bulgares et roumaines ne satisferaient pas aux exigences de la directive, notamment dans son traitement des eaux collectées ; ainsi que le traitement, se devant rigoureux selon l’article 5, des eaux rejetés dans des zones sensibles.

10-La Grande Conférence sur l’eau :

La Grande conférence sur l’eau va se tenir de mi-décembre à mi-juin. Elle a notamment pour objectif la mise en place concrète de nouvelles dispositions juridiques, notamment l’arrêté du 3 juillet 2024 permettant aux agriculteurs de créer plus facilement des retenus d’eau en zone humide. Cet arrêté avait été prise en réaction à la colère des agriculteurs, mais en dépit de son impact sur la biodiversité.

Mi-décembre sera présentée une méthode de travail, avant que ne débute des groupes de travail fin janvier/début février.

Le gouvernement souhaite solliciter tous les acteurs, notamment les agriculteurs. Cependant, les irrigants n’ont toujours pas été contactés à ce jour.

11-Sur la proposition de loi sénatoriale Duplomb-Ménoville :

Cette proposition de loi a déjà recueillie plus de 180 signatures au Sénat, alors que le chef de file des Ecologistes l’a qualifiée de « régressive ». Selon lui, elle irait « à l’inverse de ce qu’il faudrait faire ». Est contenue dans cette PPL : la réautorisation de certains néonicotinoïdes, l’assouplissement des normes des bâtiments d’élevage (ICPE), la facilitation de la construction d’ouvrages de stockage de l’eau, la modification de l’article L213-8 du Code de l’environnement relatif aux compositions des comités de bassin. Sur ce dernier point, il a été exprimé le souhait d’une plus grande représentation des usagers économiques de l’eau, notamment des agriculteurs.

La ministre de l’Agriculture a qualifié ce texte de « complémentaire » au projet de loi « d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, », qui sera examiné au Sénat le 13 janvier.

12-Emission « Sur le Front » diffusée le 25 novembre 2024 :

Cette émission a révélé un scandale sanitaire, et une politique antidémocratique et dangereuse pour la santé des Français.

Il est nécessaire de poser le contexte.

Le chlorothalonil est un pesticide interdit en France depuis plusieurs années, en raison de sa cancérogénicité. Des résidus sont aujourd’hui présents dans l’eau, du fait de son ancienne utilisation par les agriculteurs. En 2020, si la limite de 0,1 microgramme/litre de chlorothalonil était dépassé, alors l’eau était déclarée non conforme.

Une étude française de 2023 a cependant révélé qu’un tiers des puits français dépassait cette limite. Au lieu de fermer ces puits, comme nos voisins suisses, la France a changé sa règlementation en augmentant le seuil à 0,9 microgrammes/litre, en mai 2024, suite à un avis de l’ANSES, ci-joint.

AVIS de l’Anses relatif à l’examen du classement de la pertinence pour le métabolite R417888 du chlorothalonil et au réexamen du classement de la pertinence pour le métabolite R471811 du chlorothalonil dans les eaux destinées à la consommation humaine

Selon cet avis, le chlorotalonyl dissous dans l’eau ne serait pas cancérigène. Mais, une experte sur ce sujet, a dévoilé dans l’émission, que cet avis se fondait sur une étude réalisé par Syngenta, le fabricant du chlorothalonil.

Le relèvement de ces seuils a notamment permis la réouverture de certains points de captage, ainsi que la réautorisation de la vente de « La Fiée des lois ».

Concernant un autre composant chimique, le perchlorate, l’enquête révèle que sa présence au sein de l’eau d’alimentation n’est pas toujours signalé dans les rapports de l’ARS. En effet, elles ne sont pas recherchés en routine par les agences. Pourtant, le perchlorate peut induire une diminution dans la synthèse des hormones thyroïdiennes, et représente donc un risque pour les femmes enceintes, les fœtus et les nourrissons.