Gestion de l’eau : une élue qui dérange

Dominique Faure, vice-présidente de Toulouse Métropole et maire de St-Orens, travaille pour le cabinet d’audit qui assiste la collectivité dans son choix du mode de gestion de l’eau. Elle a aussi œuvré pendant sept ans chez Veolia, un des candidats à la délégation de service public.
Cette situation préoccupe l’entourage de Jean-Luc Moudenc, alors que plusieurs aléas viennent contrarier la procédure.

Dominique Faure, maire de St-Orens

L’entourage de Jean-Luc Moudenc a peu apprécié notre enquête du 24 avril sur le choix du futur mode de gestion de l’eau et de l’assainissement dans la métropole toulousaine. Alors que les élus prendront leur décision en décembre 2018, donc avant les élections municipales, Mediacités pointait le manque de transparence de la procédure et dévoilait plusieurs aspects du cahier des charges confidentiel. Notre enquête s’achevait par une révélation sur la situation problématique de Dominique Faure : la vice-présidente de Toulouse Métropole travaille pour le cabinet d’audit Grant Thornton, qui assiste la même Toulouse Métropole dans son choix du mode de gestion de l’eau. Ainsi, Dominique Faure est à la fois conseillère et conseillée. Mieux : elle a aussi été pendant sept ans directrice du développement de Veolia, un des candidats à la délégation de service public (DSP) ! Un possible conflit d’intérêts ? Pour rappel, nous voulions poser la question à Dominique Faure, mais elle n’avait pas donné de réponse favorable à nos demandes d’interview.

Notre enquête a été mise en ligne à 7h22. Dès 9h58, le directeur de cabinet de Jean-Luc Moudenc, Arnaud Mounier, adresse un courriel à son adjoint Stéphane Adnet, dont Mediacités a eu connaissance. Il y recommande au service de presse d’utiliser le terme de “fake news”.

« Hello,

Pour cet article

1 – Il faut que sce presse explique à vincens que les électeurs toulousains ont déjà tranché : double étude régie vs dsp dans notre programme de campagne. Ils l’ont validé. Que le sce presse utilise le terme de fake news (…) « 

Mais le courriel d’Arnaud Mounier se poursuit et devient de plus en plus croustillant :

«2- Faut saisir PT de ce qui concerne df à la fin. Peut être emmerdant. »

Fake news ? Mediacités s’est replongé dans le programme de campagne de Jean-Luc Moudenc en 2014. Dans ce long document intitulé Notre projet pour Toulouse, la question de l’eau se réduit à une seule phrase : « Nous lancerons une expertise pour étudier la meilleure solution à mettre en place à l’échéance du contrat actuel avec Veolia : retour en régie directe ou renouvellement de la délégation de service public. » Il n’y est pas question de la double étude actuellement en cours : comparaison entre les opérateurs privés candidats à la délégation de service public et, simultanément, comparaison entre régie publique et délégation de service public.

Capture d’écran du site www.moudenc2014.fr (cliquer sur l’image ci-dessus, pour une meilleure visibilité)

Petites précisions : « PT », c’est Pierre Trautmann, vice-président de la Métropole, homme-clé de ce dossier ; « df », c’est Dominique Faure. Le directeur de cabinet de Jean-Luc Moudenc se montre donc très préoccupé par la situation de la vice-présidente de la métropole, conseillère chez Grant Thornton et ancienne directrice du développement chez Veolia.
A la suite des révélations « emmerdantes » de Mediacités, le service de presse de la collectivité nous propose de rencontrer Pierre Trautmann. Nous acceptons.
Puis le service de presse se ravise et fait savoir « qu’il ne donne pas suite à la proposition ». Nous insistons. Finalement, l’interview a lieu le 25 mai, un peu à la sauvette, par téléphone. Equitable, la procédure pour choisir le mode de gestion de l’eau ? « Oui, elle est équitable. Le cahier des charges est le même pour la régie et pour la délégation de service public. 70% des investissements sont réalisés par l’autorité organisatrice [Toulouse Métropole Ndlr], 30% par l’exploitant, qu’il soit opérateur privé ou régie. » Et la situation de Dominique Faure, qu’en pensez-vous ? A cette question, Pierre Trautmann hausse le ton : « Je ne parlerai pas d’une collègue élue ! » Pour quelle raison ? « Parce que je ne parle jamais de mes collègues élus ! » Avez-vous discuté avec Dominique Faure de sa situation ? « Je n’en ai pas discuté avec elle. »
Avis favorable pour la publication du cahier des charges
Pour tenter d’en savoir un peu plus, nous avons contacté le cabinet Grant Thornton, employeur de Dominique Faure. Là encore, malgré nos nombreuses relances auprès de la personne chargée des relations avec la presse, personne ne nous a parlé du dossier toulousain. La transparence de l’eau est un vrai combat… De son côté, le 20 juin, le collectif Ô Toulouse, après quatre mois et demi d’attente, a obtenu une réponse de la commission d’accès aux documents
administratifs (Cada). Celle-ci a émis un avis favorable à la publication du cahier des charges imposé aux candidats à la délégation de service public par Toulouse Métropole. Cet avis sera-t-il suivi par la collectivité ?
Pendant ce temps, la procédure se poursuit tant bien que mal. Jean-Luc Moudenc a démis de ses fonctions le président de la commission Eau et Assainissement à Toulouse Métropole, Aviv Zonabend, qui avait déclaré à une radio « qu’il y a trop d’Arabes à Toulouse ». Bernard Soléra lui succède : le maire divers-droite de Quint-Fonsegrives est aussi l’un des trois élus (avec Pierre Trautmann et Joseph Carles) en contact avec les candidats à la délégation de service public. Mais les partisans de la régie – le collectif Ô Toulouse et les élus de gauche – se font de plus en plus entendre, en organisant des réunions publiques et en demandant une votation citoyenne. Ils ont obtenu l’audition par la commission Eau de la métropole de Patrick du Fau de Lamothe (Bordeaux), Christophe Lime (Besançon) et René Revol (Montpellier Métropole), trois experts qui militent pour une eau publique, le 29 mai.
Le même jour, à 18 heures, dans la plus grande confidentialité, les plis des candidats à la délégation de service public étaient ouverts. Restent seuls en lice les géants Veolia et Suez. Les deux postulants espagnols, Aqualia et Aguas de Valencia, ont renoncé. Depuis l’ouverture des plis, les trois négociateurs de Toulouse Métropole échangent dans le plus grand secret avec Veolia et Suez, et ce jusqu’au 19 septembre. A cette date, ils indiqueront leur préférence à Jean-Luc Moudenc.

Un article de Bruno Vincens de Médiacités

Gestion de l’eau à Toulouse : une élue qui dérange

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